
A la pointe du jour elle émerge des brumes du lac, vêtue de ses rêves, dénudée de ses espoirs. Elle est belle, fraîche de rosée, sa longue chevelure la protège des regards indiscrets des habitants de la forêt. Elle se meut gracieusement dans une pénombre bleutée, virevoltant ci et là… légère…légère, comme la plume de l'ange.
Le réveil sonne, il est 5h30 précises. Comme chaque matin, elle tend automatiquement la main pour interrompre ce rappel à la réalité, sa réalité. Son bras connaît le chemin la trajectoire par cœur. A regret, elle laisse s'échapper un soupir et la créature de son rêve, celle qui lui est si familière et à qui elle se raccroche afin de ne pas sombrer dans le néant, le noir...
Lentement, à regrets, elle abandonne son lit. Sous la douche elle reprend ses esprits, ses mouvements deviennent plus précis, son corps plus réel.
Elle avale son thé brûlant, "non pas de sucre, jamais juste un peu de citron". Elle ne s'est pas regardée une seule fois dans un miroir, enfin si mais pas pour s'y mirer, juste pour le maquillage, qu'elle met par habitude.On lui dit pourtant qu'elle est jolie, mais elle n'y croit pas n'y croit plus.Sa voiture n'est pas loin, juste assez pour goûter, sans plaisir, une pluie fine.
Dans les longs couloirs de la vie, elle va tête baissée. Le monde, les gens,tous ceux qui se disaient ses amis, ça ne l'intéresse pas, ça ne l'interesse plus, elle en verra bien assez durant journée. Elle n'a pas le don d'être heureuse, elle ne sait pas être heureuse, n'a jamais appris à être heureuse. Elle va dans la vie, à petits pas, sans se poser de questions.
Elle ne saurait dire depuis combien de temps elle vit dans une telle léthargie, ni si elle a jamais connu autre chose. Elle a bien quelques vagues souvenirs de jours heureux qui resurgissent de temps à autre, mais elle ne veut surtout pas approfondir, surtout ne pas y penser, ne pas revenir en arrière, ne jamais revenir sur ses pas...